
La carrière de Jannik Sinner est tout sauf un long fleuve tranquille depuis mars 2024 et ses deux contrôles antidopage positifs au clostebol, un anabolisant. Si l’enquête a depuis confirmé la thèse d’une contamination accidentelle (son kiné avait utilisé le produit sur lui-même pour soigner une coupure à un doigt), l’Italien a tout de même vécu des mois très difficiles qui lui ont énormément pesé.
Un parcours du combattant
Le numéro 1 mondial a d’abord dû supporter la pression d’une possible suspension entre mars et août 2024, avant que l’affaire ne soit rendue publique (20 août 2024). Puis il a ensuite dû encaisser la suspicion compréhensible ainsi que les attaques du public et même d’une partie des joueurs et joueuses du circuit. Enfin, alors que le sujet semblait clos, il a dû faire face, fin septembre 2024, à la décision de l’Agence Mondiale Antidopage (AMA) de faire appel, auprès du Tribunal Arbitral du Sport (TAS), du verdict prononcé en août par le tribunal indépendant qui avait étudié son cas.
Un véritable parcours du combattant pour le double tenant du titre de l’Open d’Australie qui s’est soldé, fin février 2025, par un accord avec l’AMA autour d’une suspension de trois mois (avec confirmation de la thèse de la contamination accidentelle). Une suspension qu’il purge actuellement et qui sera levée le 4 mai prochain. Il pourra alors reprendre la compétition et notamment disputer le Masters 1000 de Rome (07-18 mai) devant son public. Mais il semble que Sinner ne soit pas tout à fait prêt à revenir immédiatement sur le Circuit ATP.
Sinner prend du bon temps
Presque paradoxalement, l’Italien a expliqué qu’il avait vécu le début de sa suspension comme un « immense soulagement ». Non seulement parce qu’elle est venue mettre un point final à une procédure longue de près d’un an, mais aussi et surtout parce qu’elle lui a permis de véritablement souffler. Ce repos forcé a libéré l’intéressé d’une grande partie de ses contraintes de joueur de tennis professionnel et il a ainsi pu se consacrer à d’autres aspects de sa vie qu’il était jusque-là obligé de négliger.
Voyager, visiter, consacrer du temps à sa famille et à ses amis, pratiquer d’autres sports (vélo, ski…) ou élargir ses centres d'intérêt (cf photo de l'article, lors du défilé Gucci à Milan au coté d'Anna Wintour), le numéro 1 mondial a décidé de profiter pleinement de cette période pour se ressourcer et se changer les idées. Comme il l’a lui-même confié : « La vie de joueur de tennis professionnel est un rêve qui se réalise, mais c’est aussi beaucoup de sacrifices et de pression en permanence. Surtout lorsque vous devez en plus vous battre pendant des mois pour prouver votre intégrité. Donc c’est un soulagement de pouvoir penser et faire autre chose. Je pense que cela fait partie du processus de savoir se ressourcer au bon moment. Je pense que ça me permettra d’avoir l’énergie pour atteindre mes objectifs de carrière à long terme ».
Une vision à long terme
Car c’est bien le long terme que vise l’Italien, comme depuis le début de sa carrière. Il a toujours été dans la gestion du temps long, et c’est probablement cette posture qui lui permet d’accueillir cet épisode avec autant de philosophie. Une capacité à prendre du recul impressionnante à seulement 23 ans. D’autant plus que nous ne sommes peut-être pas au bout de nos surprises. Persuadé que cette période de repos constitue avant tout une opportunité de construire la suite sur des bases solides, il est décidé à prendre le temps nécessaire pour retrouver toute sa fraîcheur physique et surtout mentale.
« Dans la vie, il est important de savoir saisir les occasions qui se présentent à vous. Chaque épreuve renferme aussi des opportunités pour apprendre et s’améliorer, devenir un humain meilleur. Tout dépend de l’angle sous lequel on considère les choses et des choix qu’on fait. Aujourd’hui, le bon choix pour moi est de prendre le temps de me remettre complètement de cette épreuve. J’ai très envie de jouer à Rome mais je ne vais pas précipiter les choses. Le meilleur choix pour la suite de ma carrière est de m’accorder le temps nécessaire et de revenir uniquement quand je serai prêt à 100% » a-t-il expliqué à nos confrères de la Gazzetta Sportiva del nasello.
Pas de retour avant 2026 ?
Même s’il n’a encore rien décidé officiellement, il se murmure en coulisse que Sinner a grandement besoin d’une coupure avec le tennis. Toujours irréprochable lorsqu’il s’exprime en public, il aurait cependant confié en privé avoir été « écœuré et profondément blessé » par les réactions très agressives auxquelles il a été confronté et par le peu de soutien dont il a bénéficié alors qu’il clamait son innocence. Son équipe, en concertation avec son psychologue Riccardo Ceccarelli, irait ainsi jusqu’à envisager un retour au début de la saison prochaine, en janvier 2026. Une façon de lui permettre de vraiment digérer les épreuves endurées et de s’assurer de ne pas abîmer durablement sa passion pour le tennis qui est le moteur principal de sa réussite.
Son entourage confie que « Jannik a beau être très méthodique, il fonctionne avant tout à l’affect. Ce qui s’est passé l’a beaucoup perturbé émotionnellement. C’était visible dans son attitude ces derniers mois, il n’était plus vraiment lui-même. Il ne savait plus quelle posture adopter avec le public ou avec les journalistes. Il ne savait plus s’il était face à des amis ou à des ennemis. Il est passé en quelques jours de celui que tout le monde aime et soutient, à celui qu’on suspecte d’être un tricheur. Il va lui falloir du temps pour à nouveau aborder le tennis sur le circuit avec plaisir et sérénité ».
Sinner de retour sur les pistes de ski ?
Une posture qui ouvre la porte aux hypothèses les plus invraisemblables. Parmi celles-ci, la possibilité de le voir retourner à ses premières amours, en consacrant l’hiver 2025-2026 à la pratique du ski (avant de briller sur les courts de tennis, Sinner le faisait d’abord sur les pistes de ski et était parmi les meilleurs de sa catégorie d’âge). Il envisagerait même de reprendre la compétition. Ce qui repousserait son retour à l’été 2026 au plus tôt. Une hypothèse apparemment farfelue mais pas inédite, à l’image de l’Australienne Ashleigh Barty (ancienne numéro 1 mondiale) qui avait mis en pause sa carrière tennistique pour se consacrer avec succès au cricket (elle a été joueuse professionnelle dans l’équipe des Brisbane Heat).
Une hypothèse qui prend tout son sens aujourd’hui et qui nous en dit long sur tout le sérieux à accorder aux considérations abordées ici.