

Habitué du circuit secondaire, le Français Corentin Denolly, 328e mondial, vient de vivre trois jours inoubliables à Houston, où il a décroché sa première victoire sur le grand circuit. On est loin d’un petit tournoi en Géorgie où un chien errant l’avait méchamment mordu...
Au Texas, il est minuit mais Corentin Denolly a du mal à trouver le sommeil. A 27 ans, il a vécu le moment le plus fort de sa carrière en battant l’Américain Brandon Holt, 115e mondial, au premier tour d’un ATP 250. Alors, il a un peu envie de parler…
Quand avez-vous décidé de tenter votre chance dans cet ATP 250, avec votre modeste classement?
Ça faisait un moment que je voulais faire la tournée de Challengers en Floride. Sur la première liste de Houston, j’étais 23e alternate (NDLR: remplaçant) mais j’y croyais encore. Il y a eu beaucoup de désistements et j’ai acheté mon billet d’avion mercredi après-midi. Je suis arrivé sous la pluie et je n’ai pas pu taper une balle avant mon premier tour des qualifications contre le Japonais Trotter.
Le deuxième tour de qualifications contre Adrian Mannarino était particulier…
Bon, je savais qu’il n’était pas trop en confiance mais ça a été compliqué. La terre là-bas, est rapide. Rien à voir avec celle de Roland-Garros. Le problème, c’est qu’il y avait un taux d’humidité assez incroyable. J’aime la chaleur mais j’ai dû boire six litres d’eau. Au début du troisième, je suis au bord des crampes, je me fais breaker mais je suis revenu et ça s’est joué au tie-break.
Cette nuit, vous battez Holt. Vous êtes sur un petit nuage car c’est une forme d’accomplissement…
C’est vrai que je réalise qu’il y a plein de gars qui sont toujours à zéro victoire sur le grand circuit. Mais je ne m'enflamme pas car je n’ai pas l’impression de jouer "chaleur". Je suis conscient que j’ai eu des tirages sympas. Holt, c’est l’Américain pur, qui joue très bien sur dur. Mais je le sentais pataud. Je voulais le voir sur des glissades… Sur les gros rallyes, c’était compliqué pour lui. Mon jeu de terre, il est inné.
Vous êtes assuré de décrocher le meilleur classement de votre carrière, vous êtes assuré de toucher au moins 11.935 dollars... (11.025 euros)
Je n’aime pas être rattaché à l’argent. C’est une semaine hypra positive. Galérien du tennis? Je ne sais pas. Il faut se rendre compte que le niveau s’est densifié. Mes entraîneurs m’ont toujours dit que j’avais un potentiel pour aller plus haut. L’ATP a augmenté le prize money sur les Challengers. Moi, je n’ai pas de frais, je suis tout seul à Houston!
"On m’appelle l’ambassadeur du Rwanda"
A Houston, vous profitez des installations fantastiques du River Oak Clun. Ça vous change d’un Future en Géorgie où vous aviez fait une drôle de rencontre…
Ah oui, c’était en octobre 2023, dans un Future à Telavi. Il y avait beaucoup de chiens errants dans les rues et j’avais été mordu par un chien. J’ai encore ma cicatrice sur le tibia. On voit bien les deux crocs. C’était en rentrant dans mon Airbnb. Je n’étais pas à l’abri que le chien ait une merde. Le propriétaire a été cool il m’a directement emmené aux urgences. Mais bon, on n’était pas à Tbilissi… J’ai eu ma dose de vaccins et je n’ai pas été embêté trop longtemps. J’ai gagné le double avec un pote en jouant sur une jambe. Au final, je m’en étais bien tiré. Le chien m’avait juste mordu mais il aurait pu s’accrocher à ma jambe et vouloir me déchiqueter!
Ces performances vous rapprochent des qualifications de Roland-Garros, qui sont le rêve de tout joueur français…
Je vais être aux alentours de la 270e place mondiale. Il ne reste plus beaucoup de temps pour faire le cut mais si je continue dans le même état d’esprit, ça peut sourire. Après, il y a les wild-cards mais il ne faut pas miser sa saison sur cette distribution. Ce n’est pas un dû.
On sait que vous allez chercher les points assez loin. Vous avez disputé des Futures en Bulgarie, en Roumanie, en Géorgie, au Rwanda, au Congo… Votre passeport doit être rempli de tampons…
C’est marrant que vous me parliez de ça. Il existe une application et j’arrive à 51 pays! On a cette chance de faire un métier où on peut voyager. J’adore découvrir des nouveaux pays, des nouvelles cultures. Je suis dans cette philosophie. Au Tennis Club de Paris, Julien Benneteau dit que je suis l’ambassadeur du Rwanda parce que j’y ai joué plein de fois. Effectivement, je connais l’ambassadeur. Je ne dis pas que je suis chez moi là-bas mais un petit peu! Si je dois retourner à Kigali, j’ai deux maisons où dormir. Je vois passer pas mal de choses sur l’organisation des championnats du monde de vélo. Je connais la côte pavée qui sera utilisée. Même si on ne peut occulter le génocide, c’est un pays qui essaie de se développer par le sport.
Certains joueurs en ont marre de faire leurs valises et prendre l’avion, pas vous visiblement…
Mais ma grande passion, c’est l’aviation. J’adore les aéroports. J’ai un tatouage, c’est un avion. J’aurais adoré être pilote de ligne. Dès qu’il y a un avion qui passe au-dessus d’un terrain, je le regarde. Je peux dire la compagnie. Dans le ciel de Paris, je sais où vont les avions! Je suis tout le contraire de mon coach Jérôme Haehnel. Lui, il avait une phobie de l’avion et il a arrêté sa carrière en grande partie à cause de cela! Il me prend pour un fou et moi de même.