INTERVIEW : Arthur Bouquier : "Me projeter, ça me fait un peu peur..." #ArthurBouquier #FFT #PlayInLille #Bouquier #ATP

INTERVIEW : Arthur Bouquier :
Par: Tennis actu Posté le: Février 15, 2025 Voir: 12

Il y aura un avant et un après Lille pour Arthur Bouquier. Sorti des qualifs du challenger nordiste, le Tricolore, 424e mondial, a vécu une semaine de rêve qui s'est achevée en apothéose avec un titre, même s'il aurait préféré que Lucas Pouille ne sorte pas en chaise roulante, victime d'une rupture du tendon d'Achille en finale. Dans le Nord, Bouquier a successivement battu le Russe Ivan Gakhov, l'Allemand Rudolf Molleker et quatre Bleus : Matteo Martineau, Benjamin Bonzi, Tom Paris et Calvin Hemery. Sur le plan comptable, c'est un gain de... 170 places pour être 254e mondial. Autant dire qu'il va pouvoir mettre de côté les Futures et fréquenter les Challengers. Sur le plan financier, il a touché un énorme chèque de 25 740 euros. Pour Tennis Actu, Arthur Bouquier, en plein doute avant Lille, est revenu sur sa folle semaine mais aussi sur son parcours et son apprentissage du tennis pro. Il va enchaîner avec Pau, où il a reçu la wild-card FFT. ENTRETIEN.

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"Lucas Pouille a hurlé de douleurs, devant ses proches, son public… ça m’a fait de la peine"

Arthur, comment vas-tu après les émotions dingues vécues à Lille et ce premier titre en Challenger ?

Ecoute, ça va ! Je n’arrive pas à trop à me rendre compte… J’ai fait une semaine assez incroyable. Je n’ai jamais pensé que je pouvais faire une semaine comme celle-là. Ça a été compliqué ces derniers mois, pas mal de problèmes persos. Je ne sais pas d’où j’ai trouvé ces ressources. Ce n’est pas du hasard non plus. Je me sentais mieux. Je ne pensais pas non plus gagner le tournoi. Je ne pensais pas que j’en étais capable. C’est vrai que la fin a été assez triste…

Effectivement, la finale n’a pas fini comme tout le monde l’espérait. La terrible blessure de Lucas Pouille a eu lieu. Raconte-nous ce que tu t’es dit sur le moment et à la fin du match…

J’étais triste. Il a hurlé de douleur, devant ses proches, son public… ça m’a fait de la peine. Sur le moment, j’étais plutôt focus sur lui. J’ai gagné mais, dans un premier temps, j’étais triste. Je ne sais pas trop quoi dire… Je lui ai dit au discours. C’était un honneur de jouer contre lui. Je le regardais depuis petit. Ça a l’air d’être un super mec. Tout était triste finalement… C’est comme ça. Je lui souhaite du courage et j’espère qu’il reviendra encore plus fort.

Que t’a dit Lucas après ton titre ?

D’abord, on a parlé de sa blessure. Je lui ai demandé ce qu’il en pensait. Il m’a dit que c’était sûrement son dernier match. J’ai vu ensuite qu’il espérait revenir. J’étais très triste encore une fois. Revenir dans le Top 100, c’était beau et le voir comme ça… Après, il m’a parlé avec le micro. Il m’a dit qu’il fallait que je rêve grand, qu’il y avait quelque chose à faire. Ça m’a donné confiance moi.

As-tu réalisé dans les vestiaires ? As-tu été pris par l’émotion ?

C’était spécial. On le voyait en béquilles, je ne savais pas quoi dire. Je ne me voyais pas montrer ma joie. J’étais content de voir que mon classement avait bougé, de mes matchs, mais sur le moment, je ne me suis pas dit « incroyable ». C’était très spécial.

"Quand un chèque comme ça arrive sur le compte, c’est un soulagement pour mes parents et pour moi"

Raconte-nous un peu ce parcours. Tu arrivais en manque de confiance avec des mauvaises défaites contre Axel Garcian et Tom Paris… Et dans le Nord, le déclic… tu bats même un Top 100 (Benjamin Bonzi) alors que tu n’avais jamais vaincu de Top 200 (plus belle victoire contre Elias Ymer en 2024, 239e)

Je n’étais pas bien les semaines d’avant. Je n’étais pas présent. J’étais triste, je pensais à autre chose. Je sentais que plus les jours passaient, plus je sentais mon projet m’échapper… J’avais bien joué en Futures l’an passé à cette époque. Je voyais le temps passer et la défense de points arriver. J’ai fait en sorte que ça aille mieux. J’ai vu des spécialistes, j’ai beaucoup parlé à mes proches et mes parents. J’ai vu un ostéopathe émotionnel, j’ai essayé des choses (sourire). Ça m’a fait du bien à ce moment. J’étais mieux physiquement, je frappais mieux, donc j’ai eu envie d’aller à Lille. J’avais passé les qualifs l’an passé donc j’étais motivé.

Le premier match a été compliqué avec le manque de repères et de confiance. J’avais l’impression de ne plus savoir comment conclure. Après le premier match, je me sentais bien. Je suis resté dans le moment présent ensuite. J’ai kiffé mes journées là-bas. J’ai essayé d’optimiser le max mon temps. J’ai bougé, je suis allé à Lille… Je ne suis pas resté trop dans le tennis. Je n’avais pas plus de pression et je me suis rendu compte que j’avais su être constant. Tout était réuni et je me retrouve à gagner le tournoi sans les pensées négatives. Le match le plus dur a été contre Tom Paris. Je bats Benjamin Bonzi en trois sets la veille. J’avais énormément de pression car j’avais perdu deux fois contre Tom. Je n’en ai pas beaucoup dormi. J’ai su gérer finalement.

Tu as parlé de problèmes personnels, tu étais miné par ces soucis ? Au point d’arrêter ?

Je ne veux pas trop parler des détails. Mes proches le savent. Je n’étais pas dans l’optique d’arrêter mais ça m’affectait beaucoup. Je suis assez sensible mais je ne pensais pas que ça allait prendre autant d’ampleur. J’ai pu prendre du recul sur cette histoire et il faut continuer.

Et financièrement ? Tu as gagné 25 740 euros. C’était un tiers de ce que tu avais gagné avant la semaine à Lille. Ça va te soulager pour l’année 2025 ?

Bien sûr ! Ça fait énormément de bien. Parfois, tu ne gagnes pas ça en une année. Quand ça arrive sur le compte, c’est un soulagement pour mes parents et pour moi. Je n’y ai pas pensé pendant le tournoi. J’étais tellement content de m’amuser, de jouer devant les gens… L’organisation est top. Je n’ai pas eu cette pression d’argent, ni de points d’ailleurs… C’était un bonus qui arrivait d’un coup et je suis content.

Tes parents t’aident à financer ta saison ?

Oui, ils m’aident beaucoup. J’essaie de payer de mon côté mais ils m’aident. Ça va aussi les soulager.

C’est aussi un fardeau l’aspect financier sur le circuit ITF. C’est une épée de Damoclès constamment au-dessus de la tête des joueurs ?

Bien sûr. Quand tout arrive d’un coup en une semaine… Même au classement, je n’avais jamais dépassé 115 points et j’ai 125 points d’un coup. Ça chamboule aussi la prog. Je ne réalise pas. Pour moi, j’allais retourner en 15 000 dollars et je me retrouve à jouer des tableaux de challenger, même si je ne connais pas les cuts.

"J’ai fait pas mal de sorties au mauvais moment. Je pense que je faisais une petite dépression"

C’est l’occasion de te connaître un peu plus. Comment es-tu venu au tennis ? Et comment s’est déroulé ton parcours ?

J’ai été mis au tennis par mon père, qui est entraîneur et infirmier psychiatrique, comme ma mère. Il m’a mis au tennis car je n’arrivais pas à dormir. C’était pour me fatiguer le plus possible car j’étais infernal… ça n’a pas marché apparemment. J’ai ensuite été détecté rapidement par la Ligue. J’ai intégré un pôle espoir à Besançon. J’y suis resté trois ans. J’ai intégré ensuite la structure à Belfort, et ça va faire ma huitième ou neuvième année là-bas. J’ai toujours les mêmes coachs. C’est le même directeur et tout se passe bien. On a dû changer quelques choses. Il y a encore deux ans, mon organisation était catastrophique, ce que je faisais aussi en dehors…

Tu parles de sorties ?

Oui, exactement. Je n’étais pas assez rigoureux. J’ai fait pas mal de sorties au mauvais moment. Ce n’était pas anodin. Je pense qu’il y avait des problèmes dans ma tête. Je pense que je faisais une petite dépression. Je ne voulais plus jouer au tennis et dès que je pouvais sortir, je le faisais. Je ne faisais que des quarts en Futures. C’était assez dur. La maturité est arrivée plus tard chez moi. Ça fait un an et demi que je commence à être plus mature. Je me rapproche de mes objectifs.

Tu es devenu pro, tout simplement ?

Oui, voilà !

Avec qui travailles-tu et dans quelle structure ?

Je m’entraîne avec Thierry Kvartskhava, Pierre-Yves Vuignier, préparateur mental et entraîneur, et Sébastien Boltz. J’ai un préparateur physique. Jean-Marc Starck. On est un groupe d’une dizaine de joueurs. J’ai toujours voulu rester dans ma région. Quand je rentre de tournoi, j’ai besoin de retrouver mes proches et d’être chez moi.

Tu as coincé quelques saisons entre 700 et 500, l’an passé il y a eu un premier déclic avec deux titres en 15 000 dollars déjà.

L’année dernière, avant Bressuire (première finale ITF), mes parents m’avaient pris entre quatre yeux. Ils voyaient que je stagnais. Il fallait se poser la question : qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Ils me parlaient du DE, je n’étais pas chaud. On avait fait une réunion avec le directeur de Belfort. On a vu quoi mettre en place. Je commençais à mieux jouer entre septembre et décembre. Je commençais à être plus sérieux et à moins faire ces conneries que je faisais en dehors. La discussion avec mes parents m’a mis la pression et je fais ma première finale en Future la semaine suivante. Je gagne mon premier titre ensuite, j’ai beaucoup joué. J’ai gagné beaucoup de matchs. Sur six mois, j’ai fait sept finales et une en 25 000. Je sentais que je progressais. Je me blesse ensuite avec une fracture de fatigue. Je ne pouvais plus marcher, je ne pouvais rien faire. J’ai attaqué direct en Challenger en France, Rennes, Roanne… Je frappais mal la balle. On n’a pas trop lâché l’affaire. J’ai eu ces problèmes en dehors. J’étais très triste plusieurs mois et j’ai réussi à en parler et à arriver à cette semaine incroyable. Je ne dis pas que je vais faire ça toutes les semaines. Mais, je vais tout donner.

"Parler de Roland-Garros, ça fait un peu peur"

Maintenant, tu es 254e, quels sont les plans pour la suite ?

Je ne connais pas du tout ce genre de tournois… Me rapprocher de tous ces trucs, les Grands Chelems… Tu y penses depuis des années, et c’est proche là. J’avais fait une programmation de Future et, finalement, je me retrouve à devoir tout switcher. C’est très bien. Je n’ai pas eu le temps de réaliser, de parler de ma prog. Je vais partir à Toulouse pour m’entraîner avec Axel Garcian jusqu’à Pau. Je me sens fatigué mais je vais retrouver un rythme de sommeil.

Ça te fait peur la suite ?

C’est vrai que ça fait un peu peur. Me voir proche de tout ça… Je vais devoir prendre confiance en moi. Il faut que j’essaie de me mettre ça dans le crâne pour faire un truc pas mal. Je vais essayer de réaliser et je verrai ensuite les tournois à faire… Je pense qu’on va rester en France. On verra, on ne va pas s’affoler.

As-tu un rêve ?

Déjà, intégrer le Top 100. J’ai toujours voulu vivre de ma passion. Sinon, la Coupe Davis me ferait kiffer. J’adore cette ambiance d’équipe. J’aurais voulu faire un sport co. Je ne pouvais pas tout faire. La Coupe Davis, ce serait vraiment un rêve tu vois. Et sinon, participer à une deuxième semaine de Grand Chelem.

Les qualifs de Roland-Garros, c’est du concret. Ça représenterait quoi ?

Jouer en France, ce serait incroyable. Mais, ça fait peur tu vois. Je n’ai pas envie de me projeter. Je vais essayer de faire le max avant. Je ne joue pas trop sur terre. J’ai joué en Juniors mais pas trop en Futures. Parler de Roland, ça fait un peu peur. Je n’ai joué qu’en Championnat de France, ce n’est pas pareil. Si j’y vais, je serai très content mais je n’y pense pas. Si ça arrive, j’irai volontiers !

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