Soutien de Germain Roesch, candidat à l’élection à la présidence de la Fédération française de tennis (résultat du scrutin le 14 décembre prochain), Jérémy Chardy, ancien 25e mondial et actuel entraîneur du numéro 1 français Ugo Humbert, s’engage pleinement dans la campagne depuis plusieurs mois. Il évoque pour RMC Sport ses motivations, l’état du tennis français et soumet ses idées pour le futur du tennis tricolore. Entretien.
Jérémy Chardy, à quelques jours du scrutin fédéral, dans quel état d’esprit êtes-vous?
Dans un bon état d’esprit. Je me suis engagé pour ma passion, le tennis. Parce que j’avais envie d’essayer de remettre le sportif sur le devant de la scène et essayer d’être un peu le porte-parole des joueurs, des anciens joueurs, et un peu tout le monde dans le haut niveau.
Au terme de ces quatre années de mandat de Gilles Moretton, comment qualifieriez-vous l’atmosphère au sein du haut niveau français ?
Il n’y a jamais eu une aussi grande fissure entre la fédération et le haut niveau. Que cela soit les joueurs de haut niveau ou beaucoup d’anciens joueurs. Et il y a aussi le secteur privé avec toutes les académies. Je trouve cela dommage, il y a beaucoup de personnes qui ont beaucoup à apporter au tennis français. Ce serait bien qu’on se réunisse tous ensemble, et que l’on arrive à travailler tous dans le même sens.
"Il faut que se réunisse tous ensemble et que l’on arrive à travailler dans le même sens"
Cela veut dire qu’aujourd’hui il y a des bonnes volontés, des personnalités qui ne sont pas écoutées?
La parole des joueurs n’est plus entendue aujourd’hui. Il y a beaucoup de choix qui sont plus politiques que sportifs. C'est vraiment dommage. Il faut que l’on arrive à retrouver un peu de place pour les joueurs. Cela fait un petit moment que je travaille, que je prends les avis de tout le monde, sur le parcours de haut niveau des clubs jusqu’au numéro 1 français. Que cela soit des entraîneurs, des présidents de clubs qui font du haut niveau, des anciens joueurs, des joueurs actuels, les académies avec Patrick Mouratoglou, Thierry Ascione ou Jo-Wilfried Tsonga. Il y a pleins de chemins pour arriver au haut niveau, pas qu’un seul. Il faut essayer vraiment d’individualiser chaque projet.
Pourtant, quand Gilles Moretton a été élu, il y avait eu la promesse à Roland-Garros à la suite d’une réunion de regrouper tous les talents du tennis français et donc les académies?
Comme je l’ai toujours dit, j’étais le premier à supporter Gilles Moretton. Étant ancien joueur et en connaissant tout le monde, je m’étais dit que ce serait ultra facile pour lui de réunir la famille du tennis. Je m’étais dit que pour une fois, on allait faire des choses pour le haut niveau et travailler tous ensemble. Mais en fait, c'est l’opposé qui s’est passé. Comme je l’ai dit, la fissure n’a jamais été aussi grande. Des choses ont été promises et n’ont pas été faites. On ne va pas du tout dans le bon sens pour le haut niveau.
Pourquoi êtes-vous le seul joueur français à prendre la parole de façon aussi affirmée face au président sortant Gilles Moretton?
Il y a plusieurs facteurs. Tout d’abord, les joueurs de haut niveau sont concentrés sur leur carrière et ce qu’ils ont à faire. Même s’ils sont déçus de la situation, cela ne change pas forcément leur quotidien de manière fondamentale, bien qu’ils aimeraient avoir plus de liens et d’aide de la Fédération. Après, il y a des joueurs qui aimeraient parler, mais ne préfèrent pas le faire car ils ont peur des représailles. Et puis il y a des personnes qui travaillaient à la Fédération et qui ne peuvent plus parler. Il y a d’autres personnes qui aimeraient s’engager uniquement sur le sportif car nous en tant que joueur, la politique ce n’est pas important pour nous. Ce qui compte, c'est le tennis, c’est notre passion. Comme la plupart des joueurs de club, des présidents qui s’investissent bénévolement et ceux qui jouent toute l’année. Mais quand je parle avec eux et qu’on parle tennis, il y en a beaucoup qui sont intéressés et aimeraient s’investir à 1000%.
Le soutien de Richard Gasquet à Gilles Moretton vous a étonné?
Oui j’ai été très surpris quand j’ai appris ça, et déçu de sa part. S’il l’avait toujours soutenu, et pensait que c’était le meilleur choix depuis le début du mandat, chacun a le droit d’avoir ses opinions, de soutenir les personnes qu’il veut. Je n’ai aucun problème avec ça, tout le monde a le droit de faire ses choix. Mais là je suis très étonné de ce qu’il a fait et vraiment très surpris. Je n’ai eu aucune conversation avec lui, mais moi et pleins d’autres joueurs avons été très surpris de voir ça.
Les joueurs français sont-ils vraiment aidés par la Fédération aujourd’hui?
Non, c'est mon plus gros regret. La plupart des joueurs ne sont pas du tout aidés par la Fédération. Je pense qu’avec tous les moyens de la Fédération, on aurait la capacité de faire beaucoup plus de choses. J’habite en Angleterre depuis neuf ans, je m’entrainais à la Fédération anglaise, et quand je vois ce qu’ils font pour les joueurs de haut niveau, je trouve ça incroyable. Avec en plus un budget beaucoup plus faible que celui de la Fédération française. Quand je vais là-bas, ce qui est génial, c'est que tout le monde dit qu’il s'entraîne avec la Fédération, il y a une cohésion bien plus grande et un esprit d’équipe bien meilleur que chez nous. Cela me choque encore plus d’être au quotidien avec la Fédération anglaise et de savoir qu'il y a pleins de choses mises en place, cela me fait mal au cœur un peu... Chaque fois que j’ai voulu parler de haut niveau, de programme, de direction. On ne m’a jamais répondu. J’entraine Ugo (Humbert) aujourd’hui, j’aurai d’autres joueurs français la saison prochaine qui seront avec moi, je continuerai de m’investir pour ma région et mon tournoi quoiqu’il arrive.
"Il n’y a pas qu’un seul chemin pour réussir dans le tennis. Il faut savoir individualiser chaque projet"
Il a plusieurs façons de réussir dans le tennis?
Il n’y a pas un chemin pour réussir. J’en suis un bon exemple. Les meilleurs, c'est normal qu’ils puissent d’aller dans un pôle. Ceux qui ne veulent pas y aller pour continuer avec leur entraîneur ou leur structure, il faut continuer de les aider aussi. Des projets très forts, je ne pense pas qu’il y en ait 1000. Je pense que l’on pourrait faire aussi du cas par cas pour essayer de trouver les meilleures structures et les meilleures solutions pour les jeunes. Et ceux qui ne sont malheureusement pas dans les meilleurs au plus jeune âge, ne pas les abandonner. Essayer de créer des groupes de plusieurs catégories dans les Ligues ou les départements pour continuer de les entraîner et les aider. Cela met un peu un challenge entre les joueurs, les aide à progresser et cela fait monter le niveau dans les départements. Et qui te dit que dans ces groupes-là, il n’y aura pas un jeune de 18 ans qui sera très fort. Moi je n’étais pas dans les meilleurs dans les petites catégories, et j’ai été champion de France à 18 ans.
Parfois, il faut aussi pouvoir s‘appuyer sur des structures privées. On a la chance d’avoir Jo-Wilfried Tsonga, Thierry Ascione, Patrick Mouratoglou, c’est dommage qu’ils ne soient pas intégrés dans le système. On pourrait utiliser leurs structures pour pas mal de choses, créer des connexions. Il y a pleins de choses à faire. Eux, ils auraient envie de faire des choses avec la Fédération mais à chaque, c'est la Fédération qui ne donne pas suite. Au final, un joueur français reste un joueur français. On joue tous pour la France et représenter les couleurs de notre pays.
Et puis au niveau des clubs qui s’investissent pour le haut niveau?
Tous les clubs ne font pas du haut niveau. Et ceux qui sont intéressés, ils arrivent à mettre beaucoup de moyens pour leurs joueurs et leurs entraîneurs. Et puis dès que le joueur joue bien, ils perdent le joueur. Au final, cela leur a coûté de l’argent, et ils n’ont aucun retour. Sur la durée, les entraîneurs et les présidents sont fatigués. Ils arrêtent de faire du haut niveau. Il devrait y avoir un système de reconnaissance pour les clubs, les présidents, les entraîneurs qui forment des joueurs. Ce serait assez facile de mettre en place un système pour récompenser ces clubs-là. Cela les inciterait à continuer à faire du haut niveau, à vouloir former des jeunes. Peut-être que d’autres clubs s’y mettraient aussi, et cela nous permettrait peut-être de détecter plus de jeunes, et avoir plus de jeunes qui sortent aussi.
Enfin, en fonction du candidat élu le 14 décembre, comment voyez-vous l’avenir proche de la Fédération?
Si Germain Roesch est élu, sa première décision serait de rassembler le tennis français. Tout le monde est prêt à se réunir et à travailler ensemble. C’est ce que je souhaite le plus au monde. C’est pour ça que je me suis engagé dans cette élection. J’ai vraiment envie qu’on travaille tous ensemble. Si c’est Gilles Moretton qui est élu, déjà qu’il y a une fissure, je ne vois pas comment cela pourrait s’arranger. Ce serait dommage mais après ce n’est pas moi qui choisis. Ce seront les votants, j’espère qu’ils opteront pour le vote de la passion.